Comment la Commission européenne peut-elle à la fois prêcher un renforcement de l’industrie européenne et multiplier avec frénésie les accords de libre-échange aux quatre coins du monde ? s’interroge l’eurodéputée de La France insoumise Manon Aubry.
«Quel sens y a-t-il à faire venir de l’autre bout de la planète du lait de Nouvelle-Zélande quand nos producteurs n’arrivent pas à vendre leurs stocks ?», s’interroge Manon Aubry. (Daniel Reinhardt/DPA Picture-Alliance. AFP)
Début février, l’Union européenne a précisé son «pacte vert» en soutien à l’industrie européenne. L’initiative répond notamment à l’«Inflation Reduction Act» des Etats-Unis. Tournant protectionniste ? Pour l’eurodéputée Manon Aubry, il ne faut pas s’y tromper : les accords de libre-échange, incompatibles avec la transition écologique, restent la règle. Pour la secrétaire d’Etat à l’Europe Laurence Boone, la lutte contre les pratiques déloyales est nécessaire et ne mène pas à l’autarcie.
Il fut un temps où le concept de «protectionnisme» n’avait pas droit de cité au sein des institutions européennes. Mais si l’on en croit les plus récents discours, cette ère semble désormais révolue, au moins en apparence… «Souveraineté» et «autonomie» sont devenues les maîtres mots d’une Commission européenne sommée de répondre à un contexte économique et géopolitique nouveau façonné par la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine. Emmanuel Macron avait d’ailleurs opéré le même virage lexical à 180° en 2020 en plein cœur de la pandémie en affirmant que : «Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie.».
Malgré une pudeur libérale à la peau dure – le commissaire Thierry Breton préfère parler de «réalisme sain» plutôt que de protectionnisme –, ce changement de ton a pris une tournure très concrète en ce mois de février, lorsque la Commission européenne a présenté son «Pacte industriel vert». Ce plan vise à répondre à l’«Inflation Reduction Act» (IRA) américain, lequel prévoit entre autres 370 milliards de dollars de subventions et d’investissements fléchés vers l’industrie nationale pour accélérer la transformation.