Les oxymores sont aussi vieux que le monde. Horace, poète latin (65-8 av J.-C.), ami de Virgile, inventa quelques oxymores dont le sens fulgurant compris par tous créa le concept même : porteur d’une contradiction en soi.
Horace nous livre ainsi des oxymores toujours lumineux pour nous, pauvres mortels : perjura fides (« la fidélité parjure »), insaniens sapienta (« folle sagesse »), dulce periculum (« suave péril »).
Plus près de nous, Voltaire jugea que « le superflu était chose très nécessaire ». Paul Valéry qualifia les aAcadémiciens d’« éphémères immortels ».
Aujourd’hui, les oxymores ne sont plus l’apanage des poètes. Ils ont gagné, et ce n’est pas rare, les déclarations des politiques.
Emmanuel Macron pratique, on le sait, le « en même-temps », croyant ainsi concilier tout et son contraire dans les épîtres qu’il adresse à ses sujets bien-aimés, lesquels cependant doutent de sa parole jupitérienne instable !
En réalité, il pratique à l’envi les oxymores, même en politique étrangère, ce qui est loin d’être compréhensible par les étrangers qui ne connaissent pas toujours les subtilités de la langue française et l’emploi judicieux de la virgule…
Dans l’avion, le 18 février, de retour du sommet sur la sécurité internationale à Munich, il donne un entretien aux journalistes sur le conflit ukrainien :
« Je veux la défaite de la Russie en Ukraine et je veux que l’Ukraine puisse défendre sa position. Mais je suis convaincu qu’à la fin, ça ne se réglera pas militairement. Je ne pense pas, comme certains, qu’il faut défaire la Russie totalement, l’attaquer sur son sol. Ces observateurs veulent avant tout écraser la Russie. Cela n’a jamais été la position de la France et cela ne le sera jamais. »
Il ajoute à l’adresse des ex-membres de l’URSS de l’Europe de l’Est « qu’il faut digérer l’histoire soviétique et russe du XXe siècle ». Ils adorent ce plat pimenté… qui va peser longtemps sur leurs estomacs.
Voilà des déclarations limpides, paroxysmes d’oxymores, dont les chancelleries vont se repaître en tâchant de les comprendre, avant la prochaine déclaration.
L’art de la diplomatie n’est pas celui des oxymores que le partenaire ou l’adversaire va accueillir et interpréter au choix des contradictions.
Ainsi, à l’instar des paroles proférées de l’impénétrable Olympe par Macron Jupiter, Pierre Corneille s’interroge, dans Le Cid, sur « cette obscure clarté qui tombe des étoiles ».
Tant il est vrai que « la politique et la stratégie de la guerre ne sont qu’une concurrence entre le bon sens et l’erreur » (Charles de Gaulle).