Trois mois après la sortie de la superproduction Black Panther Wakanda Forever, le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’est indigné, dans un tweet, d’une scène qui met en cause gravement l’image de l’armée française au Mali. « Je condamne fermement cette représentation mensongère et trompeuse de nos forces armées, a tweeté le ministre des Armées, ce week-end. Je pense et rends hommage aux 58 soldats français qui sont morts en défendant le Mali à sa demande face aux groupes terroristes islamistes. » Un grave débordement du film préalablement repéré par Boulevard Voltaire, dans un article signé Jean Bexon. Un article que Sébastien Lecornu a retweeté. L’observation de BV et la colère du ministre font l’objet de nombreux articles, ce 13 février, dans Le Figaro, BFM TV, le JDD ou France 24. Jean Bexon répond à nos questions.
Boulevard Voltaire. Comment vous êtes-vous aperçu que ce film à succès (3 millions de spectateurs en France en quatre semaines d’exploitation) véhiculait une attaque grave contre l’armée française ?
Jean Bexon. Quand j’ai vu la bande-annonce avec les images de promotion du film, j’ai aperçu rapidement un plan montrant des militaires vêtus d’un treillis FÉLIN, des silhouettes typiques de l’opération Barkhane de l’armée française au Mali. J’avais en tête cette demi-seconde de plan lorsque j’ai vu le film au cinéma. La séquence est très bien mise en scène : nous sommes dans le cadre du Palais des nations à l’ONU, à Genève. Et l’on voit en parallèle des mercenaires dans des uniformes ressemblant à ceux de l’armée française, des mercenaires qui parlent… français !
Ils sont venus piller le Vibrarium, un minerai fictif, rare et précieux, dans une base avancée du Wakanda (pays fictif) au Mali à Ansongo dans la région de Gao. Un plan large indique ce lieu au spectateur. Le film, qui relève d’un imaginaire fictif, s’inscrit dans un réalisme géopolitique. On voit la ministre des Affaires étrangères françaises. Le scénario de Ryan Coogler désigne noir sur blanc les « parachutistes mercenaires parlant Français », « employés par le gouvernement français au Mali ».
J’ai aussitôt envoyé un message à Boulevard Voltaire qui est sensible à ces sujets. Le narratif de cette séquence de cinq minutes reprend un air connu. C’est exactement le discours des influenceurs qui veulent décrédibiliser l’action française au Mali. C’est dévastateur en termes d’image car c’est un film à très gros budget (250 millions de dollars USD), qui a une large audience (près de 90 millions d’entrées au cinéma dans le monde, sans compter une diffusion grand public sur les plateforme de streaming).
B. V. Vous attendiez-vous à ce retour médiatique et politique ?
J. B. Au moment de la publication de l’article sur Boulevard Voltaire, je n’ai pas eu beaucoup de retour dans les univers politique ou médiatique. Pourtant, ce film sort dans un contexte opérationnel très tendu sur le continent africain. J’ai publié plusieurs fois des threads [des séries de tweets, NDLR] pour dénoncer cette séquence antifrançaise. Lorsque le film est sorti en streaming le 1er février, j’ai pu visionner des images de bien meilleure qualité. Et j’ai constaté que les modèles de treillis et de chemises étaient bien ceux qui sont utilisés par nos soldats, à savoir des treillis félin désert T4 S2 et des chemises Ubas désert.
B. V. Vous avez alerté le ministre, était-ce le but recherché ?
J. B. J’étais très honoré que le ministre des Armées ait repris mon tweet et considéré mes propos. Mais mon rôle consiste seulement à constater et dénoncer des faits. Le ministre y a été sensible, tant mieux. Je suis heureux de défendre l’honneur de nos soldats morts pour la France.